V) Adhésion à une société

I.-Sous réserve des dispositions de l’article L. 411-39-1, à la condition d’en aviser le bailleur au plus tard dans les deux mois qui suivent la mise à disposition, par lettre recommandée, le preneur associé d’une société à objet principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l’attribution de parts. Cette société doit être dotée de la personnalité morale ou, s’il s’agit d’une société en participation, être régie par des statuts établis par un acte ayant acquis date certaine. Son capital doit être majoritairement détenu par des personnes physiques.

L’avis adressé au bailleur mentionne le nom de la société, le tribunal de commerce auprès duquel la société est immatriculée et les parcelles que le preneur met à sa disposition. Le preneur avise le bailleur dans les mêmes formes du fait qu’il cesse de mettre le bien loué à la disposition de la société ainsi que de tout changement intervenu dans les éléments énumérés ci-dessus. Cet avis doit être adressé dans les deux mois consécutifs au changement de situation.

Le bail ne peut être résilié que si le preneur n’a pas communiqué les informations prévues à l’alinéa précédent dans un délai d’un an après mise en demeure par le bailleur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La résiliation n’est toutefois pas encourue si les omissions ou irrégularités constatées n’ont pas été de nature à induire le bailleur en erreur.

II.-Avec l’accord préalable du bailleur, le preneur peut mettre à la disposition de toute personne morale autre que celles mentionnées au I, à vocation principalement agricole, dont il est membre, pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l’attribution de parts.

La demande d’accord préalable doit être adressée au bailleur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au plus tard deux mois avant la date d’effet de la mise à disposition. A peine de nullité, la demande d’accord mentionne le nom de la personne morale, en fournit les statuts et précise les références des parcelles que le preneur met à sa disposition. Si le bailleur ne fait pas connaître son opposition dans les deux mois, l’accord est réputé acquis. Le preneur informe le bailleur du fait qu’il cesse de mettre le bien loué à la disposition de la personne morale et lui fait part de tout changement intervenu. Cet avis doit être adressé, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans le délai de deux mois consécutif au changement de situation.

III.-En cas de mise à disposition de biens dans les conditions prévues aux I ou II, le preneur qui reste seul titulaire du bail doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l’exploitation de ces biens, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation.

Les droits du bailleur ne sont pas modifiés. Les coassociés du preneur, ainsi que la société si elle est dotée de la personnalité morale, sont tenus indéfiniment et solidairement avec le preneur de l’exécution des clauses du bail.

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Jurisprudence

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Orléans, 18 mai 2011), que par deux actes du 19 octobre 1993, M. X… a donné à bail à ferme solidairement aux époux Y…, diverses parcelles dont il est propriétaire ; qu’en 1999 les parcelles ont été mises à disposition d’un Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) constitué entre les époux Y… et leur fils Jeremy ; qu’en juin 2009, M. et Mme Y… ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’une demande d’autorisation de cession de leurs baux à leur fils ; que le bailleur s’est opposé à cette demande et a reconventionnellement sollicité la résiliation des baux ;

Attendu que pour accueillir la demande reconventionnelle, l’arrêt retient que M. Y…, co-titulaire du bail tenu, à ce titre, d’exploiter personnellement le bien loué, a, sans en informer le bailleur, cessé toute activité personnelle et mis, de facto, le droit de bail dont il était titulaire à la disposition du GAEC dont il n’était plus membre, et que ce manquement à l’une des obligations essentielles que les baux mettaient à la charge des preneurs est d’une gravité telle qu’il justifiait la résiliation des baux en cours ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait une contravention aux dispositions de l’article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime, la cour d’appel, qui n’a pas recherché si le manquement constaté était de nature à porter préjudice au bailleur, n’a pas donné de base légale à sa décision ;

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tendu qu’ayant souverainement retenu que Mme X… ne rapportait pas la preuve que la mise à disposition des parcelles objet du bail au profit de l’EARL Y… ait constitué une cession illicite au sens de l’article L. 411-35 du code rural, le règlement d’un terme de fermage au moyen d’un chèque émis sur le compte de l’EARL Y… ne suffisant pas à constituer une telle preuve, la cour d’appel, qui n’était tenue ni de procéder à une recherche qui n’était pas demandée, ni de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’elle décidait d’écarter, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu qu’ayant relevé que les consorts Y… alléguaient sans être contredits sur ce point par Mme X… qu’ils bénéficiaient sur la surface totale des deux parcelles de contrats de vente d’herbe depuis 1994, que la réalité et la consistance des ventes d’herbe étaient attestées par des conventions sous seing privé des 1er mai 1994, 15 avril 2003, 1er juin 2004 et 15 avril 2005, et que contrairement aux énonciations du bail qui prévoyait un fermage annuel de 140 euros par hectare pour environ 8 hectares, les consorts Y… avaient acquitté un fermage annuel de 1676 euros correspondant à une surface louée de 11 hectares, 97 ares et 14 centiares que Mme X… avait accepté de recevoir en exécution du bail, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et qui a souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve, a pu en déduire, sans modifier l’objet du litige, que les consorts Y… bénéficiaient d’un bail rural portant sur la totalité des parcelles non visées au bail écrit ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

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Mais attendu qu’ayant retenu, à bon droit, que la mise à disposition des terres louées ne modifiait pas les droits et obligations que le preneur tenait du bail dont l’exécution s’imposait à la société et, souverainement, que M. X… s’était opposé au délai de restitution sollicité par la SCEA à l’occasion de la cessation de sa participation, la cour d’appel, abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant assimilant la convention de mise à disposition au bail rural, en a exactement déduit que la résiliation de la convention conclue avec le groupement avait eu pour effet de réintégrer le preneur dans la jouissance exclusive des terres jusqu’au terme du bail dont il était titulaire ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Attendu que M. Didier Y… fait grief à l’arrêt d’autoriser M. François Y… à céder son bail à son fils, M. Pierre Y…, alors, selon le moyen :

1°/ que la faculté de céder le bail est une faveur réservée au preneur qui s’est scrupuleusement et constamment acquitté de ses obligations ; que le preneur qui a mis à disposition d’une société des biens donnés à bail doit informer le bailleur de tout changement d’associé ; qu’en l’espèce, il était constant que l’Earl François Y… avait été créée le 1er janvier 1997 et qu’elle était bénéficiaire d’une mise à disposition des parcelles données à bail à M. François Y… depuis le 27 janvier 1997 ; qu’en retenant que le fait pour M. François Y… de ne pas avoir informé le bailleur que son épouse avait cessé d’être associée de l’Earl au profit de laquelle le bail avait été mis à disposition et que son fils, Pierre, était devenu associé de cette société ne constituait pas un manquement à une obligation légale ou contractuelle et ne saurait le constituer comme preneur de mauvaise foi, la cour d’appel a violé l’article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 juillet 1999, l’article L. 411-35 du même code, ensemble l’article 1134, alinéa 3, du code civil ;

2°/ que l’usufruitier a l’obligation d’obtenir le concours du nu-propriétaire pour donner le fonds à bail ; qu’il en résulte qu’en cas de mise en disposition des biens donnés à bail au profit d’une société dont il est membre, le preneur doit en informer à la fois l’usufruitier et le nu-propriétaire ; qu’en l’espèce, il n’était pas contesté que M. Didier Y… était nu-propriétaire des biens litigieux, au moment où M. François Y… les a mis à la disposition de l’Earl Y… François ; qu’en affirmant que M. François Y… n’était pas tenu d’informer M. Didier Y… de cette mise à disposition dès lors que cette obligation d’information, en cas de démembrement de propriété, est uniquement destinée à l’usufruitier, la cour d’appel a violé les articles L. 411-35 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 juillet 1999, ensemble l’article 595 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant retenu à bon droit, appliquant les dispositions transitoires de la loi du 9 juillet 1999 aux événements postérieurs à son entrée en vigueur, qu’il ne résultait pas de l’article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime que le preneur, dès lors qu’il restait associé exploitant de la société au profit de laquelle les terres étaient mises à disposition, avait l’obligation d’informer le bailleur du départ ou de l’arrivée de nouveaux associés et que l’obligation d’information prévue à ce texte était, en cas de démembrement de propriété, destinée au seul usufruitier, la cour d’appel en a exactement déduit que M. Didier Y… ne pouvait se prévaloir d’un manquement de M. François Y… à ses obligations, le constituant preneur de mauvaise foi ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

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Le preneur ne peut faire apport de son droit au bail à une société civile d’exploitation agricole ou à un groupement de propriétaires ou d’exploitants qu’avec l’agrément personnel du bailleur et sans préjudice du droit de reprise de ce dernier.

Les présentes dispositions sont d’ordre public.

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Jurisprudence

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 3 mai 2018), que, par acte du 24 mars 1980, V… N…, décédée le […], a donné à bail à la société civile […] un ensemble de parcelles ; que ce bail a été renouvelé ; qu’au cours de la période ayant couru du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015, la société par actions simplifiée à associé unique […] (la sasu), constituée en décembre 2000, s’est substituée au preneur d’origine dans l’exploitation du domaine ; que, par acte du 19 juin 2013, les consorts N… D…, propriétaires indivis de celui-ci, ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail au contradictoire de la sasu ;

Attendu que la SASU fait grief à l’arrêt d’accueillir la demande ;

Mais attendu qu’ayant relevé que la société civile […], radiée du registre du commerce et des sociétés le 27 novembre 2001, avait disparu et que la sasu, qui n’était pas issue de la transformation de cette entité, constituait une personne morale nouvelle, et retenu que la société civile lui avait transféré le droit au bail sans l’accord des propriétaires, la cour d’appel, qui n’a pas annulé cette cession, en a exactement déduit que la résiliation du bail devait être prononcée à l’encontre de la SASU bénéficiaire de l’apport de ce titre d’exploitation ;

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Attendu que le preneur ne peut faire apport de son droit au bail à une société civile d’exploitation agricole ou à un groupement de propriétaires ou d’exploitants qu’avec l’agrément personnel du bailleur et sans préjudice du droit de reprise de ce dernier ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mars 2011), que les consorts X… sont propriétaires de parcelles données à bail à M. Y… ; que M. Y… a fait apport de son droit au bail à la société civile d’exploitation agricole Gérard Y… (la SCEA), créée le 8 janvier 1989 et transformée en société par actions simplifiée (SAS) le 20 mars 2000 ; que se prévalant d’un défaut d’accord pour l’apport des baux à la SCEA et soutenant que la transformation de la SCEA en SAS constituait une cession prohibée, les bailleurs ont agi en résiliation de ces baux ;

Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient que les bailleurs ont autorisé l’apport des baux à la SCEA ; que s’il est de jurisprudence constante que la transformation d’une société civile d’exploitation en une autre forme de société civile d’exploitation ne dissimule pas une cession prohibée, il ne peut en aller de même pour la transformation d’une société civile en société commerciale réalisée après l’apport du bail ;

Qu’en statuant ainsi alors que la transformation de la SCEA Gérard Y… en SAS Gérard Y… emportait une simple transformation de la forme sociale n’entraînant pas création d’une personne morale nouvelle, ce dont il résultait qu’il ne s’était pas opérée une cession de bail, la cour d’appel a violé le texte susvisé

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